Difficile est le chemin de la création

Article modifié par Fred en juillet 2025

Je ne sais pas dans quoi je m’embarque. Cette phrase résonne encore dans ma tête alors que je tiens entre mes mains mon premier tirage réussi depuis des mois. J’ai mis du temps avant de réaliser ce que je voulais vraiment – non pas ce que les clients attendaient, non pas ce que le marché dictait, mais ce que mon œil cherchait depuis toujours.

Après tant d’années à travailler pour les autres, à composer avec les demandes, les budgets serrés et les délais impossibles, je redécouvre le luxe du temps. Le temps de regarder vraiment, de laisser la lumière me parler, de sentir le grain du papier sous mes doigts dans la chambre noire. Je suis à nouveau sur les rails de la création, mais ces rails-là sont différents : ils ne mènent nulle part ailleurs qu’à l’essentiel.

Retrouver sa propre voix

Désormais, je crée des images en noir et blanc pour moi. Chaque cliché est une conversation silencieuse avec la réalité, une tentative de saisir ce qui échappe au regard pressé. Mes outils n’ont pas changé – l’argentique demeure ma pratique depuis plus de trente ans – mais c’est ma relation à l’image qui se transforme. Trente-six poses, pas une de plus. Chaque déclenchement compte, chaque grain d’argent sur la pellicule porte désormais une intention purement personnelle.

Les heures passées dans la chambre noire, que je n’ai jamais vraiment quittée, prennent une saveur nouvelle. L’odeur familière des révélateurs, la danse rouge de la lumière inactinique, l’apparition progressive de l’image dans le bain – tous ces gestes maîtrisés depuis des décennies retrouvent leur sens premier, libérés des contraintes commerciales.

Des tirages comme témoins

Certaines de ces images seront disponibles en tirages papiers. Pas par nostalgie, mais par conviction que l’image imprimée possède une présence physique irremplaçable. Elle vieillit, se patine, raconte son histoire à travers les ans. Elle résiste au flux incessant des écrans, s’impose comme un objet de contemplation lente.

Chaque tirage est unique, porte la trace de ma main, de mes choix dans les contrastes, de mes hésitations devant l’agrandisseur. C’est cela aussi, créer : accepter l’imperfection comme signature, assumer ses choix esthétiques sans compromis.

Les obstacles du chemin

Les obstacles sont nombreux, c’est indéniable. Le coût de la pellicule qui ne cesse d’augmenter, les laboratoires qui ferment un à un, l’incompréhension parfois de l’entourage face à ce retour aux « anciennes méthodes ». Sans compter cette voix intérieure qui questionne : est-ce que cela a encore un sens aujourd’hui ?

Mais c’est une question de volonté, et surtout de foi en ce que l’on porte. Chaque difficulté devient un défi, chaque contrainte technique une opportunité créative. L’essentiel n’est pas de suivre la mode, mais de rester fidèle à sa vision, même si elle semble à contre-courant.

Une quête personnelle

Ce retour à la création personnelle n’est pas un refus du présent, mais une recherche d’authenticité avec des outils que je maîtrise depuis toujours. Mes appareils, mes objectifs, ma chambre noire – tout cela fait partie de moi depuis plus de trois décennies. Ce qui change, c’est la liberté retrouvée de les utiliser selon ma seule vision, sans autre contrainte que celle de l’exigence artistique.

Je ne sais toujours pas exactement où ce chemin me mène. Mais pour la première fois depuis longtemps, j’ai l’impression de marcher dans la bonne direction, celle qui me ressemble, avec les outils qui ont toujours été les miens.

Les publications sont programmées à l’avance. Je dois libérer du temps pour mes travaux personnels. Je ne pourrais peut-être pas traiter les commentaires et les demandes par mail dans l’immédiat mais je vous répondrai.


En savoir plus sur Studio Argentique

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.


Commentaires

8 réponses à « Difficile est le chemin de la création »

  1. Bonjour Fred. Cette vue, qui dégage et exprime un graphisme bien marqué, marque aussi une voie, une direction et, chose étonnante, elle arrive concomitamment avec votre texte. Elle  marque ainsi une parfaite synchronicité avec la nouvelle perspective choisie. Avec tous mes vœux de succès !

    1. Bonsoir Fabrice. Un grand merci pour ces mots qui me touchent. Très bonne soirée. Amitiés.

  2. Avatar de FRONTSCHAK Daniel
    FRONTSCHAK Daniel

    Bonjour Fred,

    Elle est sublime cette photo. Tu as raison de prendre du temps pour toi et te consacrer un peu plus à ta passion. Tes photos sont magnifiques et les différents thèmes que tu abordes sont pour nous, abonnés, des sources d’inspiration. Merci Fred.

    J’ai commencé la photo il y a bien longtemps en 1976. Mon tout premier appareil acheté avec un salaire de saisonnier était un Kodak 110 (avec flash cube au magnésium). rien à régler, seulement le plaisir d’appuyer sur le déclencheur puis de courir chez le photographe du quartier et le presser de développer la cassette….. Un Canon AE1 en 1979 (premier salaire) pour passer de la théorie (largement potassée) à la pratique. Triangle de l’exposition, profondeur de champ, composition…. les bases de la création…. (comment peut-on prendre faire de la photo avec un smartphone qui ne laisse aucune place à l’imagination et à la créativité ?…). Et, suite logique, mon premier labo installé dans la salle de bain… Des débuts bien compliqués…. pas facile de manipuler les chimies et l’agrandisseur mais quel bonheur de tirer les portraits de mes enfants. Puis un Canon A1 (le top du moment), toujours en panne….Sur le conseil du photographe de mon quartier, je revends mon matériel Canon et je découvre Nikon avec un magnifique FE2. Wahou…le bruit du levier d’armement, le doigt sur le déclencheur, l’oeil dans le viseur pour contrôler diaphragme, vitesse, cadrage; une poussée sur le levier de profondeur de champ….Clap….le bruit si particulier des lamelles en titane du rideau. Cet appareil, précis et fiable il me suivait partout…. Puis est venu l’AF…. croyant bien faire pour coller au progrés, j’ai revendu mon FE2 et ses nombreux objectifs pour acheter 2 Nikon F801 avec 2 objectifs à focales variables……Quelle erreur, l’AF était loin d’être au point…les boitiers en plastique…. je n’arrivais pas à me les approprier…. Je revends le tout…un peu plus riche, je cède au mythe Leica avec un R7….Bof….Bof….Bof appareil très lourd qui ne faisait pas mieux que mon FE2 auquel je me référais sans cesse…..Avec l’arrivée du numérique, je me suis séparé de mon Leica (sans regret) pour acheter un Pentax K7…. difficile de se convertir au numérique lorsqu’on à baigné dans la culture argentique…..Voir les petits photographes de quartier, toujours avides de partager leur passion disparaître les uns après les autres (comme beaucoup de fabricants de boîtiers qui avaient démocratisé la photographie), fut un déchirement pour moi. Le Pentax sortait de moins en moins souvent du placard….je m’en suis séparé pour un petit compact….suffisant pour les souvenirs de vacance… Je faisais peu de photo mais je restait connecté à l’actualité du monde de la photo à travers mon abonnement à Chasseur d’Images…. Il y a 5 ans, un aami me confie son Olympus OM-D E M5…… son coté vintage, son ergonomie parfaite et le confort la mesure matricielle me font craquer. Je découvre cette merveille de technologie dans un boîtier si compact. Tellement compact qu’il est indispensable de rajouter un porte batterie (avec déclencheur vertical bien pratique) et une poignée pour améliorer la prise en main. Oui, c’est une usine à gaz avec ses nombreux modes et programmes (pour ma part je l’utilise quasiment qu’en manuel ou en priorité à l’ouverture) qui n’apportent rien sinon le risque de louper une photo…. Points forts : la stabilisation (plus besoin de trépied), la fabuleuse mesure matricielle (il faut vraiment être sous doué pour faire une erreur d’exposition) et la qualité des objectifs. J’ai le 12-100 mm f/4 de la gamme Pro, il est fabuleux…. Ce boîtier a ranimé ma passion pour la photographie. J’ai replongé dans le noir et blanc argentique avec l’achat d’un… NIKON FE2 (je reste étroitement lié à ce boîtier de légende) et un NIKON FM2 (offert par mon adorable épouse). Au passage j’invite ceux qui voudraient revenir à l’argentique à se tourner vers le marché japonnais de l’occasion sur Ebay. On y trouve beaucoup de merveilles en état comme neuf. Le labo n’est pas encore d’actualité, je scanne mes négatifs….oui, je sais…. un écran n’a pas la magie du papier baryté…. Voilà mon parcours.

    Bon dimanche à toi Fred et à tous les passionnés.

    1. Bonsoir Daniel. Merci beaucoup pour ton intervention et ton témoignage. 1976, l’année de la canicule; je prenais mes premières photos avec le kodak Brownie de mon père.
      Parfois le matériel a un effet bénéfique sur notre production photographique et procure du bonheur, parfois non. Certains ont besoin d’un équipement sophistiqué, d’autres se satisfont avec un matériel basique. Le tout est de trouver chaussure à son pied. En ce qui me concerne, si je le pouvais, je me passerais des boîtiers numériques que j’utilise en reportage; Un petit compact sans menu, sans option me conviendrait tout autant. Amicalement.

  3. Avatar de Jérôme

    bonjour Fred . Effectivement le chemin de la création est le plus dur mais certainement le plus beau. A toi maintenant de pousser plus loin cette exploration, tu as ouvert une porte et la route est là, devant toi, longue, sinueuse et fascinante. Toutes mes amitiés.

    1. Merci infiniment Jérôme. Le plus dur reste à faire.

  4. Avatar de Jérôme

    Bonjour Fred. Non le plus dur tu l’as fais . Le plus dur c’est de se lancer , de se motiver. Je vais regarder tes travaux avec le plus grand intérêt. De plus je t’avoue que j’aimerais bien acquérir un de tes tirages ça serait pour moi la meilleure façon de t’encourager à poursuivre dans cette nouvelle voie.

    1. Tu me soutiens déjà énormément. Je te remercie pour ta fidélité et ta générosité Jérôme. Amicalement.