Le Rolleiflex est revenu de mission avec trois films exposés. Je l’ai envoyé en reportage photo, seul, comme un grand. Je lui avais donné quelques consignes mais il a suffisamment d’expérience pour savoir ce qu’il doit faire. Il est capable de décider seul qui ou quoi photographier, sous quel angle et à quel moment. C’est l’avantage quand on possède du bon matériel.
Le futur de la photographie
Ceci n’est que pure fiction mais cela arrivera sans doute un jour grâce à l’intelligence artificielle. J’imagine dans un futur proche des drones miniatures autonomes et intelligents dotés d’une reconnaissance des formes très poussée. Les hybrides ont fait un bond en avant considérable en matière d’aide à la prise de vue, ces dernières années. Mais cette technologie avancée n’est pas encore au stade de décider par elle-même de toutes les actions à engager pour composer intelligemment et artistiquement une image. Encore un peu de patience les amis, ce jour viendra.

Technologies d’hier et d’aujourd’hui
Pour l’heure, il faut encore se déplacer et faire les choses soi même : réfléchir, s’occuper des réglages, choisir un cadre, bouger, attendre la bonne lumière, faire un choix et déclencher. Je sais, c’est fatiguant.
Photographier avec un appareil argentique comme le Rolleiflex demande un minimum de concentration. Le risque de rater les photos existe bel et bien, il faut en avoir conscience. Par exemple, il ne sera pas en mesure de vous alerter sur une sous exposition probable ou une mise au point imprécise. Certaines personnes habituées au smartphone sont perplexes quand je leur explique que mon Rolleiflex ne possède ni autofocus, ni cellule pour mesurer la lumière.
Avec un Canon R6, vous ne pouvez pas rater vos photos, c’est impossible. La mise au point véloce et ultra précise, l’exposition gérée à la perfection et la qualité d’image exceptionnelle même en très basse lumière en font un outil redoutable. Pour rater une photo aujourd’hui, il faut vraiment faire preuve de mauvaise volonté. J’ai vu un photographe de mode en action qui ne regardait ni dans le viseur de son Canon EOS R5 ni l’écran arrière.
En argentique, il vaut mieux être prudent. Les accidents peuvent être multiples : flous de bouger, mise au point décalée, erreurs d’exposition, qualité d’image dégradée à cause d’un film périmé ou mal employé, sans parler des erreurs bêtes comme le doigt devant l’objectif ou l’ouverture du dos de l’appareil en plein jour alors que le film n’est pas rembobiné. Le pire en photographie argentique, c’est qu’une fois le rouleau terminé, il faut encore intervenir manuellement pour faire apparaître les images avec là aussi le risque de foirer complètement le développement.

Qualité et quantité d’images
En 2023, il faut savoir cinématographier avec un appareil photo et un drone pour devenir un storyteller accompli. Je connais des confrères qui n’hésitent pas à enregistrer toute une séquence à trente images par seconde pour en extraire la photo la mieux réussie. Pourquoi pas ? Puisque la technologie d’aujourd’hui permet d’enregistrer environ 200 images en rafale ou peut-être plus. Vous comprendrez que l’on puisse se moquer du photographe de mariage quand il arrête de déclencher lors d’une séance photo de groupes : « Le photographe n’a plus de pellicule ? ». J’ai entendu cette blagounette un bon nombre de fois. Ce n’est pas méchant mais cela en dit long sur notre époque. Il leur en faut toujours plus.
Avec le Rolleiflex, on ne produit que 12 photos par film. Les mariés sont prévenus : la photographie argentique avec un boîtier des années 50 ne permet pas les mêmes cadences qu’un EOS R6. La séance photo est interrompe lors du changement de bobine. Certains invités s’impatientent et passent à autre chose ou sortent leur smartphone. Du coup, j’apporte parfois trois appareils déjà chargés pour aller plus vite. Heureusement, les jeunes sont compréhensifs et s’émerveillent de voir des vieux coucous encore en état de marche et viennent vers moi me poser des questions.
La qualité des images est devenue primordiale tant dans le cadre professionnel que pour le grand public. Le commun des mortels est habitué à regarder des images ultra « sharp » sur son écran de télévision, avec des contrastes élevés et des couleurs profondes. Il attend donc du professionnel le même résultat. C’est assez rare mais je tombe parfois sur des clients photographes suréquipés. Leur préoccupation principale est la résolution de mes reflex. D’autres s’étonnent que je n’ai pas encore basculé dans le monde de l’hybride. Cela ne saurait tarder. Mes Canon EOS 5D MK III vieillissent. Il va bien falloir les remplacer un jour ou l’autre.

Des photos techniquement impossibles
Il y a encore quelques années, je vous aurais affirmé que cette photo était techniquement impossible. Cela ne saute pas aux yeux mais il faisait très sombre à l’intérieur de cette église. La photo a été prise avec un Canon EOS 6D Mark II et un 24-105 F4 IS II réglé à pleine ouverture. Le résultat à 5000 ISO est plus que correct pour un boîtier amateur. Et ce n’est rien comparé aux prouesses des hybrides haut de gamme ! Les prises de vue à main levée en argentique étaient limitées dans de telles conditions de luminosité. Sans stabilisation et avec une sensibilité maximale de 1600 ISO, j’aurais capitulé, même avec un Leica.
Aujourd’hui, tout a changé. Il est maintenant possible de sortir une image propre à 6400 ISO et plus sans flou de bouger, les doigts dans le nez. C’est hallucinant. Les jeunes photographes ne se rendent pas compte à quel point cela est facile de nos jours et impensable il y a trente ans. Les pellicules couleurs que j’achetais pour un usage amateur se situaient entre 50 ISO et 800 ISO. Jamais je n’aurais pu imaginer photographier un jour avec une sensibilité de 10 000 ISO et j’imagine que les nouveaux Nikon Z8 et Canon EOS R6 MK II font bien mieux encore.

Un pied dans le passé et l’autre dans le monde moderne
L’homme moderne a oublié que l’erreur humaine et les technologies rudimentaires sont parfois à l’origine de véritables œuvres d’art. Malheureusement, on vit dans une monde ou la perfection est vitale. Le zéro défaut est devenu la règle. Le professionnel doit évoluer, investir constamment ou mourir. Le client ne comprend pas pourquoi les photos prises à grande distance au moment de l’entrée de la mariée à dans l’église très sombre ne sont pas d’une netteté tranchante.

Je continue à photographier en argentique aussi pour échapper à tous ça. J’arrive encore à imposer mon rythme avec le Rolleiflex. J’aime beaucoup ce grand écart entre photographie moderne et prises de vues à l’ancienne. D’un côté, la technologie moderne est amusante mais aussi rassurante. On a l’impression que rien n’est impossible avec un hybride récent. De l’autre, il y a le côté plaisir avec le Rolleiflex.
Je pense que je vais, moi aussi, me faciliter la vie et prendre des photos à bout de bras et sans stress avec un Canon EOS R6. Un boîtier et un objectif en numérique pour les photos dans des situations compliquées et un boîtier argentique afin de savourer l’instant et le plaisir de pratiquer l’argentique comme je l’ai toujours fait depuis trente ans.
Noir et blanc Rockabilly
Archives argentiques – Canon EOS 3 – Kodak TMAX 400
Développement noir et blanc – Bellini Eco Film – Fomapan 100
Review Bellini Eco Film, une alternative au révélateur Kodak XTOL. Exemples de photos prises avec de la Fomapan 100.

Commentaires
6 réponses à « Rolleiflex et Canon EOS R6 »
Very true! I shoot both the Contax 139Q and Mamiya RZ67, but I have a Lumix S5 for the impossible shots. The great thing about mirrorless cameras is they take all my vintage Zeiss lenses!
Thank you for your testimony.
Bonjour Fred,
J’ai utilisé un Yashica Mat en randonnée. Au milieu de nul part, j’essaie de cadrer pour une photo, de cadrer, de régler la bonne exposition avec la règle du 16 ensoleillé, et au moment de déclencher, un jeune couple surgit du néant à 2000m d’altitude et me demande ce que je fais avec cette boîte.
Dans un village, le lendemain, sur une grande place. Je cadre, j’aperçois une personne d’un âge avancé. C’est parfait, elle va passer ici, ma photo sera parfaite. Non, la dame fera un long détour pour me contourner par derrière moi.
Il faut continuer à sortir ces appareils d’un autre temps et accepter de ne pas faire la photo idéale dans le lieu idéal …
Merci Fred de maintenir la Lumière Argentique à travers ce blog.
Bonjour Nicolas. Merci pour ce partage d’expérience en altitude. Les 6×6 de ce type peuvent être utilisés partout ou presque, la preuve … On veut des outils média toujours plus petits et légers mais un Yashica Mat, un Rolleicord ou un Rolleiflex ne prend pas non plus une place démesurée dans un sac et il y a le plaisir de composer sa photo.
Bonjour Fred 👋😀, bravo pour ce très bon article. J’avais envie de partager mon point de vue, effectivement le photographe pro ( surtout de mariage comme toi) à une obligation de résultat et il a besoin de matériel performant afin d’immortaliser l’événement. En effet je vois mal le photographe dire aux mariés « Vous pouvez refaire l’échange des alliances ? J’ai un flou de bougé… ». Néanmoins ce que je remarque c’est que les gens veulent des photos « wahou » ou instagramable . Le plus important c’est l’émotion qui ressort de ces photos, l’amour de deux personnes qui s’unissent . Oui, ce sont nous qui mettons de l’âme dans nos photos et non pas des appareils. J’ai retrouvé une citation de David Duchemin « plus je regarde ces photos sophistiquées aux portraits Photoshopés moins je m’y sens connecté ». Aucun appareil ne sera détecté ni même reconnaître une émotion mais seulement nous.
Bonsoir Jérôme.
Je te remercie pour ton commentaire. La photographie de mariage est devenue très codifiée et très influencée par les tendances qui s’affichent sur Instagram en autre. Ce phénomène est une vraie plaie. Il n’y a plus rien de naturel dans ce genre de photos « instagramables », un genre que l’on veut nous imposer. Heureusement, il existe encore des gens qui souhaitent juste vivre leur moments comme ils sont dans la vie. Moi, j’aimerais pouvoir me lâcher dans les reportages mais le style de photos que j’ai en tête ne serait pas recevable par la grande majorité des clients et même incompréhensible. Pourtant, les jeunes adorent les photos de famille ratées, floues, mal cadrées et aux couleurs délavées. Il faut voir le succès de Lomography dans le domaine de photos vintages. Mais tu as raison, les images ultra nettes, propres, parfaites m’ennuient et ça ne va pas s’améliorer. Les progrès technologiques dans l’univers numérique ne laissent plus de place à l’imperfection. L’outil sait tout faire mieux que l’opérateur. Il n’y a plus de challenge…