Pourquoi la Kodak Ektar est impossible à reproduire fidèlement en numérique

Le marché des presets Lightroom explose. Ces réglages de développement préétablis promettent de transformer vos photos numériques en leur donnant « l’âme » des pellicules argentiques légendaires. Kodak Ektar, Fuji Superia, Ilford HP5… tous y passent. Mais derrière ces appellations marketing se cache une réalité que peu osent avouer : reproduire fidèlement un film argentique en numérique relève de l’impossible.

L’illusion des presets « argentiques »

J’utilise moi-même des presets dans mon travail, notamment pour mes reportages de mariage. Ils sont précieux pour harmoniser rapidement le développement d’une série d’images. Mais de là à prétendre recréer l’Ektar ou la Portra… il y a un fossé que la technologie actuelle ne peut franchir.

Les presets peuvent certes s’approcher de la direction artistique d’un film – ses dominantes colorées, sa saturation caractéristique, ses courbes de contraste. Mais ils ne peuvent reproduire ce qui fait l’essence même de l’argentique.

Les limites techniques infranchissables

La texture et le grain : l’ADN de l’argentique

Aucun algorithme ne parvient à reproduire authentiquement la structure cristalline des sels d’argent. Le grain numérique ajouté artificiellement reste un simulacre grossier comparé à la texture organique et aléatoire d’une émulsion photochimique. L’Ektar possède un grain d’une finesse particulière, presque imperceptible, qui contribue à son rendu si reconnaissable.

La variabilité : force et faiblesse de l’argentique

L’argentique vit, évolue, surprend. Une même pellicule Ektar 100 peut produire des rendus radicalement différents selon :

• Les conditions d’exposition (surexposition, sous-exposition)
• La température de développement
• Le type de révélateur utilisé
• Le scanner ou l’agrandisseur employé
• L’âge de la pellicule

Cette variabilité, qui pourrait sembler être un défaut, constitue en réalité la richesse de l’argentique. Comment un preset figé pourrait-il reproduire cette vivacité imprévisible ?

L’exemple révélateur

Observez ces deux images prises avec la même Ektar 100 : la première ne rappelle en rien les caractéristiques « typiques » qu’on attribue à ce film, tandis que la seconde ressemble davantage à un JPEG standard. Cette variation illustre parfaitement l’impossibilité de définir un « rendu Ektar » universel.

La question du sens

Au-delà des limites techniques, une interrogation plus profonde émerge : pourquoi vouloir dégrader la qualité exceptionnelle des capteurs modernes ?

Les boîtiers actuels de Canon, Nikon, Sony, Fuji, Olympus ou Pentax offrent une qualité d’image remarquable. Leurs capteurs surpassent largement les performances techniques de nombreuses pellicules en termes de dynamique, de netteté et de rendu des couleurs. Pourquoi alors chercher à les brider avec des artifices numériques ?

L’authenticité plutôt que l’imitation

Si l’esthétique argentique vous séduit, la solution authentique reste simple : utilisez de vraies pellicules. L’Ektar 100 est toujours produite et disponible. Rien ne remplace l’expérience complète du processus argentique, de la prise de vue au développement.

Le numérique possède ses propres qualités esthétiques, exploitons-les plutôt que de les masquer derrière des imitations imparfaites.

Conclusion

Les presets « argentiques » ne sont que des approximations commerciales d’un idéal inatteignable. Ils peuvent avoir leur utilité créative, mais prétendre reproduire fidèlement l’Ektar ou tout autre film relève du marketing mensonger.

Embrassons la spécificité de chaque medium : l’argentique pour sa magie imprévisible, le numérique pour sa précision technique. Les deux ont leurs mérites, mais ne sont pas interchangeables.

L’authenticité ne se copie pas, elle se vit.