Article mis à jour par Fred en juillet 2025
Combien de fois ai-je entendu des photographes se plaindre de ne pas avoir le bon objectif au bon moment, ou justifier un achat par un pseudo-besoin professionnel ? Cette course effrénée à l’équipement cache souvent une réalité moins reluisante : l’accumulation de matériel photo peut nuire à notre créativité et à l’efficacité de notre travail.

L’illusion du matériel parfait
Avant chaque achat, je m’astreins à un exercice difficile : peser réellement le pour et le contre. Cette habitude m’a évité bien des dépenses inutiles, mais je ne suis pas à l’abri des coups de cœur. Mon récent Nikon F100 en est la preuve parfaite.
Cet appareil n’était absolument pas une priorité. J’avais depuis longtemps un faible pour ce reflex remarquablement conçu. Une opportunité s’est présentée, j’ai craqué. Résultat ? Le F100 fait maintenant partie de mon équipement professionnel, mais il fait doublon avec mes fidèles Canon EOS 3 utilisés en reportage depuis des années.
Certes, le Nikon est plus compact, plus léger et moins bruyant que les Canon. Mais leurs caractéristiques restent identiques à celles de l’EOS 3. J’ai parfois des scrupules quand l’un des Canon reste au placard. Un boîtier de secours, c’est pratique, mais voir du matériel prendre la poussière me dérange profondément.
Les faux prétextes d’achat
Nous excellons dans l’art de nous trouver de bonnes raisons pour chaque nouvelle acquisition :
- « J’ai besoin de cet objectif pour améliorer mes photos de paysages »
- « Avec ce boîtier discret, je serai plus efficace en photographie de rue »
- « Cette focale me manque pour compléter mon équipement »
La réalité ? Ce sont souvent de faux prétextes pour s’offrir un bel objet. Cette frénésie d’achat cache parfois un manque d’inspiration ou une incapacité à faire évoluer notre photographie avec les moyens existants.

Le piège du trop-plein de boîtiers argentiques
En photographie argentique, posséder plusieurs boîtiers présente un avantage indéniable : charger différents films selon les besoins. Un boîtier avec de la couleur, un autre avec du noir et blanc, un troisième avec un film haute sensibilité. Cette approche fonctionne bien en reportage, mais deux boîtiers suffisent largement.
Afficher l’image Fomapan 100 développé au Rodinal 1+25 : la simplicité au service de la qualité
Le piège du sur-équipement ? Entamer plusieurs films sans jamais terminer les projets en cours. Aujourd’hui soleil, je sors le Nikon avec une pellicule 100 ISO. Ciel couvert prévu ? Pas grave, j’ai un second boîtier pour du 400 ISO. Et pourquoi ne pas reprendre ce projet photos de nuit à 1600 ISO avec ce reflex oublié dans le placard ?
Trop de choix tue le choix. On se disperse, le travail n’aboutit jamais vraiment.

Solutions pratiques pour simplifier
Gérer la sensibilité sans multiplier les boîtiers
La sensibilité en argentique n’est pas un problème insurmontable :
Le développement lent (stand development) Le Rodinal convient parfaitement au stand-dev. Le développement est plus long qu’un processus classique, mais le rendu compense largement. Cette technique permet d’exposer un même film à différentes sensibilités.
La technique 800 ISO universelle Photographier systématiquement à 800 ISO, intérieur comme extérieur. Une focale fixe lumineuse pallie les basses lumières. En extérieur, il suffit de fermer suffisamment le diaphragme pour éviter la surexposition.
Le retrait de film en cours Les reflex comme le Canon EOS 3 permettent le retrait de pellicule en cours de route. Il suffit de noter le numéro de vue et de reprendre à ce point plus tard.

Mon équipement de prédilection
Malgré mes multiples boîtiers, c’est le Canon EOS 33 que j’emporte le plus souvent. Discret, efficace pour les prises sur le vif, il accepte tous mes objectifs professionnels. Le problème ? Il concurrence mes autres équipements 24×36, notamment le Nikon FM2n qui excelle également.
Afficher l’image Le Canon EOS 33, mon compagnon de route préféré pour les sorties photo
Je privilégie la légèreté lors de mes déplacements. Le matériel ne doit pas être une préoccupation au détriment du sujet. Mes projets personnels sont presque toujours menés avec un seul boîtier et un seul objectif.

La problématique des objectifs multiples
Combien d’objectifs un photographe devrait-il posséder ? Impossible de donner un chiffre universel. Dans mon cas, trois objectifs suffisent pour couvrir un événement familial : un grand-angle, une longue focale et un zoom transtandard.
Au-delà, je perds un temps précieux. Trop d’objectifs à disposition pousse à l’indécision. Au lieu de se concentrer sur le sujet et la manière de l’appréhender, on encombre notre cerveau avec des choix de focales.

L’exemple concret du reportage mariage
Lors de ma dernière prestation hivernale, j’avais seulement le 35mm et le 85mm. Le 135mm n’est sorti qu’à deux occasions. Les clients ne se sont pas plaints de l’absence de vues grand-angle du château. J’ai simplement pris plus de recul avec le 35mm.
Afficher l’image Configuration minimaliste : 35mm et 85mm suffisent pour un reportage complet
Pourquoi cette approche fonctionne-t-elle ? Je connaissais le lieu, savais déjà comment opérer. J’étais présent à chaque instant, couvrant l’événement dans son ensemble. C’est l’essentiel.

Accepter les limites comme moteur de créativité
Être limité par son équipement n’est pas un handicap. Les contraintes techniques nous obligent à rester inventifs. Le photographe fait preuve d’une plus grande créativité quand les possibilités techniques sont restreintes.
Si on ne peut éviter le flou, apprenons à le maîtriser. Ne résolvons pas systématiquement les contraintes techniques par l’achat. Apprenons plutôt à les contourner.

Vers un équipement rationalisé
Je prévois un tri dans mon matériel photo, professionnel et personnel. Pas pour suivre une tendance minimaliste, mais pour optimiser mon travail. Transporter moins de matériel, c’est aussi moins de fatigue et moins de préoccupations de stockage.
Je ne suis pas collectionneur. Mon matériel doit servir. Quand on est davantage passionné par les beaux objets que par la photographie elle-même, c’est une autre histoire.
Conseils pratiques pour débuter
Pour choisir son premier reflex argentique :
- Un 24×36 mécanique pour la fiabilité
- Ou un appareil avec autofocus pour la rapidité de mise au point
- Ne pas se perdre dans l’immense marché de l’occasion
Questions à se poser avant tout achat :
- Ce matériel répond-il à un besoin réel ?
- Vais-je réellement l’utiliser régulièrement ?
- Puis-je obtenir le même résultat avec mon équipement actuel ?

Conclusion
La course au matériel est un piège dans lequel nous tombons tous. L’essentiel n’est pas d’avoir l’équipement parfait, mais de maîtriser celui que nous possédons. Moins de choix, c’est souvent plus de créativité et d’efficacité.
La prochaine fois qu’une envie d’achat vous démange, posez-vous cette question simple : « Qu’est-ce qui m’empêche de faire cette photo avec mon matériel actuel ? » La réponse vous surprendra peut-être.

Commentaires
8 réponses à « Matériel photo : pourquoi moins c’est souvent mieux ? »
Bonjour, je me retrouve parfaitement dans ce dilemme ! Et pourtant, je n’ai que trois boîtiers, mais j’ai du mal à gérer pour ma part !
Trois boîtiers, ce n’est pas excessif. Si en plus, ce sont des appareils différents : compact, reflex et autre format. Merci Pascal.
Bonjour Fred, c’est marrant, je préparais un article sur le même thème car je me posais les mêmes questions que toi, parfois pour d’autres raisons. Globalement, oui, nous avons tendance à prendre trop de matériel, sachant que chaque appareil, chaque objectif, choisis soigneusement pour ses capacités, vont répondre à un besoin précis à l’instant T … qui vient rarement et que nous résolvons avec ce que nous avons, in fine, sous la main. Sans perdre la qualité et/ou l’originalité de notre composition, parce que nous avons appris « à faire avec ». Mais c’est difficile de rationaliser … il est si chouette cet Eos, il est magnifique ce X700, que de souvenir avec ce FTb, etc. Allons courage, nous allons nous alléger. Bon weekend Fred.
Le tout est de savoir si un ultra grand-angle ou ce Contax G1 ou encore ce Nikon F6 sont vraiment nécessaires ou s’il ne s’agit pas d’une lubie passagère. Je suis tombé plusieurs fois dans le piège. Ensuite, c’est compliqué de s’en extirper parce qu’on s’y attache. Il y a des boîtiers avec lesquels j’adore cadrer, composer, déclencher et d’autres ne sont que de vulgaires outils de travail. Ce que je sais c’est que je ne fais pas du bon boulot si j’ai trop de matos avec moi.
Bonjour Fred, less is more en effet ! Je crois que c’est une courbe commune à beaucoup de gens qui font de la photo en tant qu’amateur ou auteur, je souligne cette distinction car quand on est professionnel de la photo, je pense qu’il faut pouvoir répondre à des demandes précises qui parfois demandent un matériel précis qu’on loue pour l’occasion. En tout cas, plus j’avance dans ma pratique, plus je fais « léger », un boitier, une optique et du films et déjà rien que ces trois éléments demandent pas mal de travail pour en tirer le meilleur, cela permet d’éviter des idées comme : « ah si j’avais telle optique ou tel boitier, ça serait mieux », non ça ne sera pas mieux ! C’est un peu une fuite pour éviter de se concentrer sur l’essentiel à mon avis, son regard, l’optique et le boitier ne doivent être que le prolongement du regard, et tout d’un coup le matériel devient secondaire une fois qu’on a trouvé celui avec lequel notre regard se confond.
Tu as entièrement raison Nicolas. Côté pro, et en fonction de sa spécialité, le photographe a besoin d’un certain nombre d’objectifs et de boîtiers sans parler de l’éclairage de studio ou des flashs cobra, ni des accessoires. En reportage mariage, on est face à des situations très différentes et cela demande parfois un équipement adapté. Lors des préparatifs, je peux être amené à prendre en photo les bagues, bijoux et autres accessoires des mariés. Un objectif macro n’est pas indispensable mais il est le bienvenu. Le grand-angle, par exemple le 24 mm est très souvent recommandé pour les pièces exigües. Cela arrive très souvent pendant les préparatifs de la mariée. Un objectif comme le 50, le 85 ou le 135 est indispensable pour les séances portraits, idem pour les discours et les cérémonies religieuses / laïques, une longue focale reste intéressante. On peut combiner zooms et focales fixes pour pallier à toutes les situations. Il faut aussi au minimum, deux boîtiers en cas de pépin. De ce fait, le photographe mariage est souvent tenté d’acquérir toujours plus de matériel pour ne pas se retrouver coincé. Mais ce n’est pas forcément une bonne solution. Certains sont très à l’aise avec l’idée d’embarquer trois reflex, 6 objectifs, 4 flashs, des supports de flash et plein d’accessoires pour modifier la lumière. Personnellement, j’ai beaucoup de mal à jongler avec autant d’outils.
Grand débat…moi aussi, j’ai trop de boitiers, trop d’objectifs. Mais ils ont aussi leurs signatures; on aime forcément !
Et puis les boitiers argentiques, quand on les a connu neufs sous la vitrine de la première Fnac lilloise…le prix actuellement d’occasion nous donne accès à des trucs inaccessibles à l’époque ! tu as du matériel canon ET Nikon ET Minolta (il manque même un peu d’Olympus dans le paysage…et puis un petit M2 ou 3 ou/et vissant !).
Oui, ton débat sur les contraintes apportées avec un seul boitier, 2 ou 3 objectifs et se débrouiller avec ça, c’est réel, ça apporte de la créativité, on connait par coeur son boitier, le calcul de la cellule, si il sur-ex trop ou pas, le cadrage avec l’image à 95% ou plus etc…et ensuite, on peut prendre ses images les yeux fermés ou presque ! pour un amateur, de la street et de la maison, c’est vrai.
Bah, mais quand on aime…ta collection est superbe. Le FM2 me fait de l’oeil…avec un ancien objectif non AI (c’est possible non ? de coupler un FM2 avec un ancien objectif et d’avoir quand même l’apport de la cellule ? il y a une transformation à faire je crois…)
Effectivement, ces boîtiers qui nous ont fait rêver sont maintenant plus accessibles, même si les prix de l’occasion ont énormément grimpé ces 15 dernières années. J’ai lâché deux Olympus OM. Parfois, je le regrette. Les M sont trop chers à mon goût. Il n’y a pas plus discret que le télémétrique mais je peux m’en passer. Pour le non AI, je ne suis pas sûr. Je n’ai que le 50 mm AI. Par contre, un compact tout terrain serait le bienvenu dans ma collection. J’aimais bien le MJU II. J’en ai eu deux, eux aussi revendus pour une bouchée de pain. Son prix d’aujourd’hui dépasse le prix de vente en neuf de l’époque. Du grand n’importe quoi. J’ai beaucoup voyagé avec le Leica Minilux ( le seul Leica que j’ai possédé de toute ma vie ) Il a fini par se bloquer, l’animal. Je devrais plutôt me débarrasser de tout ce matériel numérique qui pèse et qui ne m’apporte aucun plaisir à manipuler.