Débuter la photographie argentique en 2020 : nostalgie ou vraie passion ?

À l’heure de la « photophonie », se lancer dans l’argentique paraît presque incongru. Qu’est-ce qui pousse quelqu’un à choisir des outils « archaïques » alors que le smartphone fait tout plus vite et « mieux » selon certains ?

Un filtre numérique ne coûte rien, et peu de gens savent distinguer une vraie photo argentique d’une image d’APN. Le passionné fait la différence, pas le grand public. Dans le contexte économique actuel, acheter de la pellicule pour un usage professionnel semble dénué de sens.

Un photographe déjà équipé qui refuse d’abandonner son savoir-faire, on comprend. Mais un jeune qui débute ? Vraiment ?

Seul le résultat compte (et encore…)

Scène vécue lors d’un shooting famille. La cliente voulait du noir et blanc. En me voyant charger mon boîtier argentique, l’étonnement se lit sur les visages. « Pourquoi ne pas convertir du numérique en noir et blanc ? »

Comme toujours, je réponds que c’est ma méthode de travail depuis longtemps. Mais pour beaucoup, l’argentique professionnel reste compliqué et risqué. Les gens sont perplexes. Ils s’en fichent. Inutile de leur expliquer la singularité d’un tirage argentique ou l’esthétique d’une Kodak Portra.

Et puis il faut être patient. Ne parlons pas des coûts : une pellicule 36 poses + développement = 15 euros minimum. Côté matériel, c’est pire. Des appareils de 20 ans vendus plus cher qu’à leur sortie ! Les revendeurs d’occasion exagèrent.

Pourtant, ils arrivent quand même

Je rencontre tout de même des nouveaux venus qui n’ont pas peur de se lancer. Souvent des jeunes émerveillés par le rendu aléatoire et le côté artisanal, ou des trentenaires nostalgiques qui ressortent le Canon AE1 de papa. Les pros sur ce créneau ? Plutôt rares.

L’argentique a ses détracteurs

Les plus âgés, qui ont connu la pellicule mais ont basculé au numérique pour sa simplicité. Les remarques désobligeantes pleuvent : « Moi aussi j’ai connu l’argentique, maintenant je suis au smartphone. » Comme si on avait un train de retard.

On a inventé le MP3, pourtant le son reste pourri comparé au vinyle. Je n’ai pas pris ce tournant et je n’ai pas forcément tort. Les jeunes sont moins obtus, plus curieux envers les techniques anciennes. Je le vois dans mes mails : dernièrement, questions sur les filtres couleur. Ça tombe bien, je vais me ré-équiper en filtres Cokin !

Ce n’est pas une question de perfection

On adopte l’argentique comme on tombe amoureux de la peinture sur toile. La tablette ne remplace pas le plaisir du pinceau. On photographie en argentique pour manipuler d’anciennes mécaniques, pour la simplicité du geste, pour éviter les menus obscurs et les paramétrages complexes.

D’autres trouvent leur bonheur en chambre noire, certains choisissent la pellicule pour son rendu inimitable. Les jeunes qui s’y investissent sérieusement le font par passion. Jamais pour l’efficacité, encore moins pour l’économie.

Vendre de l’argentique ? Mission impossible ?

Si vous vendez des prestations argentiques, vous devrez pratiquer des prix élevés. Et ne comptez pas sur l’appellation « argentique » – trop de clients ignorent ce terme. C’est votre style qui fera la différence.

Vos images ont un vrai goût rétro ? Parfait. Regardez l’engouement pour le Polaroid ! Si l’argentique est votre différenciation, assumez : plus de grain, de flous, de couleurs délavées.

Pour résumer : vous avez plus de chances en 2020 de trouver votre public avec un Lubitel et une pellicule périmée qu’avec un Hasselblad et une Portra 160.

En parlant de couleur, j’ai enfin repris les shootings argentiques. J’ai ressorti les dernières Kodak Portra et Ultramax juste pour le plaisir. Il y aura un billet le week-end prochain normalement. Je n’ai plus le temps de publier des articles intermédiaires en semaine. Le dimanche sera en quelque sorte un résumé de la semaine.


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Commentaires

10 réponses à « Débuter la photographie argentique en 2020 : nostalgie ou vraie passion ? »

  1. Bonjour
    C’est avec intérêt que j’ai lu ton article
    J’ai débuté la photographie par un petit pocket à deux balles, puis un instamatic. Plus tard j’ai acheté d’occasion un praktika, et avec mon premier salaire un canon AV1
    A ce moment je ne faisais pas encore de la photographie comme j’aime en faire maintenant, comme je le ressens, comme j’en ai … besoin (je suis une simple passionnée et suis instinctive) .. et je n’ai plus 20 ans depuis longtemps.
    Je fais de plus en plus du monochrome mais c’est un choix délibéré (je suis maintenant en numérique avec un 7D) donc, je ne peux pas revenir en arrière par un logiciel et passer par la couleur.
    Si j’étais une de tes clientes , je serais certes légèrement déconcertée par le choix de l’argentique mais en même temps un photographe professionnel sait ce qu’il fait et on doit lui faire confiance

    1. Je te remercie pour ta prise de position et ta franchise. L’argentique reste très minoritaire dans mon travail photographique. Les 3/4 des reportages sont réalisés au 5D MKIII. Les quelques rares amoureux du noir et blanc viennent me voir pour l’argentique. Après, les photographes experts comme toi maîtrisent le monochrome n’ont aucune raison de revenir en arrière à part bien sûr les 20/30 ans qui ont envie de découvrir l’univers de la pellicule.

      1. … que répondre après le compliment que tu viens de me faire ?
        Je suis juste une passionnée, une amoureuse (qui sait ce qu’elle veut) 😀
        Bonne journée

  2. Avatar de Quentin B.
    Quentin B.

    Je suis en total accord avec votre article. Etant moi même photographe amateur dans la 20aine (bientôt la 30aine), et ayant un père passionné de photo, j’ai bercé dès mon plus jeune âge dans la photo. J’ai connu quand j’était jeune l’argentique et les développement N&B que mon père faisait lui même, puis tout à basculé au numérique, et la…. Là j’ai perdu ce goût de la photo…. (et pourtant, je travail dans les domaines du numérique, donc ce n’est pas de mauvaise volonté). Trop de réglages « inutiles » (à mon sens), trop de possibilités, trop, tout simplement. J’ai essayé de m’y faire, J’ai eu un reflex, j’ai essayer de suivre des cours, mais je n’avais pas ce plaisir de la photo argentique. Il est trop simple de déclencher à tout va, d’avoir des centaines (voir des milliers) de photos à trier, retoucher (le cas échéant), puis à oublier, parce que, ne nous voilons pas la face, avec le numérique, les photos sont stockés et on ne prend jamais le temps de les regarder, ou de faire des tirages …. Fin 2019, j’ai racheté d’occasion un reflex argentique (Olympus OM-10), et j’ai tout de suite repris goût à la photo ! Depuis, j’ai revendu tout mon matériel numérique et je ne pratique plus qu’avec l’argentique ! Il me reste toujours mon smartphone qui peut faire des photos « en cas de besoin », ou pour partager sur les réseaux sociaux un instant bien précis, à un moment où je n’aurais pas mon appareil avec moi.
    Pour conclure ce long commentaire, Je connais un photographe professionnel du même âge que moi, qui ne fait du numérique que pour ses clients (pour des questions de pratiques / rapidités), mais qui se refuse à travailler avec autre chose que de l’argentique pour ces photos personnels !

    1. Bonjour Quentin. Voilà un témoignage intéressant. Je me reconnais dans ce que vous dites à propos du numérique. Trop de réglages et de manipulations inutiles. Après, rien ne nous empêche de tout photographier en Jpeg avec toujours le même mode mais le plaisir est plus intense en argentique, enfin en ce qui me concerne. Tout comme votre ami, le reflex numérique est l’outil incontournable dans mon métier de photographe. C’est pourquoi, en dehors des reportages classiques, je suis heureux de retrouver mes pellicules favorites. Heureusement, j’ai la chance de produire des portraits en noir et blanc argentique pour le compte de clients. Les quelques rares connaisseurs acceptent un délai plus long pour la livraison des images. Avec un Olympus comme l’OM-10, on se concentre uniquement sur le sujet, la lumière, l’instant et on fait travailler notre imagination, ne sachant pas si la photo est vraiment bonne. Merci d’avoir pris la peine d’écrire votre ressenti. C’est un plaisir.

  3. Bonjour,
    Une des affirmations de ton billet m’a fait sursauter ! Tu dis qu’on « en vient à acheter des appareils de plus de 20 ans bien plus chers qu’à l’époque de leur mise sur le marché. » Même si l’engouement récent pour l’argentique a fait un peu regrimper les prix de l’occasion, on est pourtant vraiment très très loin des tarifs de départ ! Mon Nikon F4 m’a coûté 250 € en excellent état ; il était à sa sortie en 1988 vendu environ 14 000 (quatorze mille) francs, ce qui selon le convertisseur d’inflation de l’INSEE donnerait aujourd’hui quelque chose comme 3700 €…
    Sauf pour quelques boitiers particulièrement mythiques (recherchés surtout par les collectionneurs), le problème n’est pas le prix. C’est plutôt le risque de panne non réparable, en particulier avec les boitiers argentiques « modernes », c’est-à-dire électroniques (nappes qui deviennent cassantes, lcd qui s’effacent, micromoteurs qui grillent, etc.)…

    En revanche, je te rejoins pleinement sur l’idée de la qualité d’image « devenue plus importante que la photo elle-même » dans une large frange disons « technophile » des passionnés de photographie. Ce n’est même pas seulement la « qualité » (la « propreté », la netteté, etc.) de l’image qui est en jeu : il y a malheureusement une esthétique s’imposant de plus en plus de l’image spectaculaire, de l’image qui en quelque sorte « fait voir le matériel », de l’image qui vante la haute technologie qui a servi à la produire. Au détriment du contenu.

    Merci en tout cas pour ce blog que je découvre tout juste !

    1. Bonjour Fred. J’aime assez exagérer le propos mais je pensais surtout à tous ces petits appareils comme l’Olympus MJU II, qui ont pris une côte incroyable sur le marché de l’occasion. Effectivement, ce n’est pas le cas de la majorité des appareils. Les Nikon F100 ont un peu plus de mal à trouver acquéreur qu’il y a 10 ans. Quant à la problématique de la performance technologique, ça me fatigue y compris lors des mariages. il y en a toujours un qui amène sa fraise pour comparer son petit bijoux à ton matos, alors que je suis là uniquement pour créer de bons souvenirs et appuyer au bon moment sur le déclencheur. Bienvenu sur le blog en tout cas et au plaisir de te lire à nouveau.

  4. Avatar de Alexcendre 59
    Alexcendre 59

    Conclusion: en numérique on fait des photos ! que l’on ne regarde pas souvent parfois jamais , en argentique on fait de la photo ! que l’on aime regarder parfois souvent mais surtout que l’on aime montrer , en numérique c’est souvent faire cinquante photos et quarante-neuf muettes , en argentique même les loupées nous parlent ! le dimanche après midi de pluie mes albums parlent pendant une heures ou deux a mes petits enfants en numérique c’est le bordel on ne retrouve jamais rien , les multiples doublons nous fatiguent on fait vite autres choses .

    1. Je n’irai pas jusque là mais oui il y a du vrai dans ce que vous dîtes. Il y a pourtant des photographies produites en numériques chez les autres photographes ( souvent auteurs de talent ) qui me fascinent et je ne me lasse pas de les voir. Il y a les bons et les moins bons créateurs d’images. Peu importe le support ou l’outil. J’ai le même taux de déchets en argentique et en numérique. Je considère une photo sur 10 comme acceptable. La différence est que cela me reviendrait cher en argentique si je produisais tout en argentique. Un photographe professionnel qui veut faire l’argentique sa spécialisation a intérêt à bien réfléchir à son offre.

  5. S’il y a bien une chose sur laquelle nous sommes bien d’accord, c’est les prix exagérés pratiqués sur certains appareils anciens. Le Canon AE-1, s’il est et reste un bon appareil, ne mérite pas de passer la barre des 100€ auxquels il se négocie pour l’instant, tout comme les Nikon FG et consorts, et je ne parle pas du Minolta SRT 101 qui atteint des sommets alors que cet appareil, s’il fut révolutionnaire en son temps, est largement dépassé ne fusse qu’en agrément d’utilisation. Prenez un Minolta XG-2, il fera la même chose, en mieux, pour moins cher. On nous les présente comme des appareils « rares » ? Ok, le AE-1 fut produit à plus de 1.200.000 exemplaires, le SRT à plus de 3.500.000 exemplaires, l’Olympus Mju à plus de 5.000.000 et il reste fragile, etc. Ces appareils – hors collection de variantes spéciales ou spécifiques – ne devraient pas se vendre, tout à fait fonctionnels, à plus de 50€ avec au moins un objectif 50mm. Tout à fait fonctionnel, ça veut dire avec une pile neuve si besoin, les mousses d’étanchéité refaites si nécessaires, bref à n’avoir qu’un film à mettre dedans et partir se faire plaisir. Et soyez curieux, la période des années septante à deux mille vous offre un panel formidable d’occasion, du tout mécanique au auto et semi-auto, puis aux appareils équipés d’autofocus performants (ceux des années 2000 sont au top des possibilités de l’argentique). Voyez l’article de Fred sur le Canon Eos 300 par exemple, ou ceux sur les Olympus qu’il a utilisé, vosu serez (agréablement) surpris.